À l'heure où l'on reparle d'un retour de migrants à Calais, ceux qui après leur passage dans ce qu'on appelait « la jungle » séjournent actuellement dans le centre d'accueil et d'orientation de Sainte-Suzanne, ont retrouvé une certaine sérénité, un apaisement, et sans aucun doute l'espoir d'un avenir meilleur qui, pour la plupart d'entre eux, est encore incertain.
Partis du Soudan, de l'Afghanistan, de l'Érythrée... « Nous avons fui nos pays car nous y étions menacés souvent de mort sans possibilité d'échapper à cet enfer », résument ces réfugiés. C'est à pied que beaucoup sont partis et c'est à pied qu'ils sont arrivés en France. « Je suis parti d'Afghanistan. J'ai marché pendant trois mois, traversé huit pays dont le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Serbie, La Macédoine.... J'ai eu peur, j'ai eu faim, j'ai dormi très peu, mais il fallait avancer, toujours avancer. »
La traversée du Pakistan et de l'Iran ont été particulièrement dangereuse « alors qu'en Macédoine et en Autriche, les gens et la police ont été accueillants », explique MG. Vingt-deux jours dans un centre de rétention à Paris, puis, c'est l'arrivée à Calais. Cette dernière étape est parcourue en train après un jeu de cache-cache avec la police et les contrôleurs.
Sainte-Suzanne, une bouée d'oxygène
Habdou est venu du Nord-Soudan. « Ce sont des passeurs qui m'ont pris en charge. Après l'Égypte, c'est, entassé sur un canot que j'ai dérivé avec mes compagnons pendant six jours sur la Méditerranée. C'est un bateau suédois qui nous a sauvés. J'y ai laissé toutes mes économies », raconte Habdou. Après l'Italie, il traverse la France et se retrouve aux portes de la « jungle ».
Tous sont épuisés et ont laissé derrière eux leur famille, leur travail ou leurs études. À leur arrivée, onze mille migrants séjournent à Calais. « Ce sont des bénévoles anglais qui nous accueillent et nous suivront durant notre séjour. » C'est un peu la loi de la jungle qui prédomine. Les relations entre migrants sont parfois tendues. « Il y a la différence de culture, la promiscuité, pas de règles de vie établies, beaucoup de provocations, ce qui engendre des conflits », confient-ils. Épicerie, cafés, restaurants, coiffeurs et petit trafics ont transformé les lieux en petite ville. Les conditions d'hygiène sont déplorables. « Des douches ont été bricolées et il y a peu de sanitaires pour être utilisés correctement. »
Sainte-Suzanne, c'est la bouée d'oxygène. Tous le reconnaissent. MG a obtenu ses papiers et pourra séjourner dix ans en France. « Je vais apprendre le français, reprendre des études et qui sait... peut-être trouver du travail. »
Habdou est encore dans une démarche administrative et souhaite rester en France. Quant au retour : « C'est notre rêve impossible tant que la situation de nos pays restera ce qu'elle est. »