Discours écrit le vendredi 9 janvier 2015
et prononcé en prologue de la cérémonie des vœux du samedi 10 janvier 2015 à 11h, salle Fernand-Bourdin à Sainte-Suzanne,
en présence de MM. Norbert Bouvet Vice-président du Conseil général de la Mayenne, Marc Bernier Conseiller général, maire de Vaiges, Joël Balandraud Président de la Communauté de communes des Coëvrons, maire d'Évron, Alain Dilis Président de l'Association des Maires de la Mayenne et maire de Saint-Germain-de-Coulamer, Mmes et MM. les Maires du canton et Conseillers municipaux de Sainte-Suzanne,
et des Suzannais présents (env. 200 personnes).
Jean-Pierre Morteveille
"La France est en deuil. Les principes mêmes de notre République sont attaqués.
Il serait dérisoire de commenter à mon niveau les évènements gravissimes récents qui mettent en jeu la Liberté de la France, que tous nos ancêtres ont si chèrement gagnée.
Je ne parlerai pas de ces Français tueurs fanatiques, sans cerveau autonome, surarmés, sur-financés et surentraînés, qui servent à distance de marionnettes tragiques à Al Qaïda, Daesh ou autres. Car il n’y a même pas de mots pour dire mon indignation et ma colère. Je rendrai simplement hommage ce matin au courage, au professionnalisme, au travail exemplaire des gendarmes, des policiers, des sapeurs-pompiers et autres services de secours.
Par contre, je veux parler de la GUERRE absolue qui est déclarée à la France depuis le Moyen-Orient, qui s’attaque directement à ce que nous avons de plus cher : NOTRE LIBERTÉ de pensée, de jugement ou de culture, notre DÉMOCRATIE. Toutes les autres allégations, ou prétextes plus ou moins religieux, sont fallacieux.
Il ne s’agit pas de partager béatement ou de manière idolâtre les dessins ou les traits d’humour des journalistes de Charlie Hebdo. Comme tous ceux de ma génération, je les ai connus à travers les journaux Pilote, L’Enragé, Hara-Kiri ou Charlie-Hebdo. Comme beaucoup, je les ai parfois appréciés, parfois pas, et peu importe : Le crayon sera toujours au-dessus de la barbarie.
Mais leur liberté d’analyser, de relativiser, de blâmer, de rire, et de caricaturer, parfois jusqu’à l’outrance, sont la garantie et la preuve que nous vivons dans un pays de liberté, républicain, démocrate, laïc (c’est-à-dire qu’il permet toutes les opinions et toutes les croyances, et est ouvert à tous les cultes), et que ces valeurs-là sont au-dessus de tous les fanatismes, de tous les intégrismes, de tous les extrémismes. La liberté de pensée, d’expression, la liberté de la presse sont des Principes universels.
Déjà, l’ignoble assassinat d’Hervé Gourdel et des otages occidentaux en Syrie aurait dû davantage nous mobiliser. Mais cette fois, parce que nous sommes attaqués au cœur, le peuple de France a bien compris dès mercredi l’extrême gravité de la situation; je me sens fier et en phase avec cet élan émouvant de solidarité, de compassion et de prise de conscience collective que ces évènements tragiques a suscité. Oui, nous sommes tous aujourd’hui des Charlie.
Les extrémistes de tous bords vont tenter d’utiliser ce drame pour nous diviser, en jouant sur les amalgames, les récupérations politiques, les peurs et les préjugés. Mais cette tragédie peut aussi nous rassembler comme jamais - cela dépend de nous.
Face aux menaces, réitérées hier soir, de faux imams autoproclamés mais véritables terroristes, qui n’ont rien à voir avec l’Islam, soyons des millions à dire "Nous n’avons pas peur, nous restons unis".
Face à cette guerre, face à la barbarie, à la bêtise, à l’obscurantisme, à l’ignominie, à la manipulation des sectes, des réseaux sociaux ou des médias, face à l’inqualifiable, RÉSISTONS. Ils ne gagneront pas. Soyons solidaires et soutenons toutes les initiatives qui pourront être prises par nos dirigeants. L’unité nationale, ce ne sera pas celle des partis, (-on voit bien que l’ivresse du pouvoir fait qu’elle ne sera jamais sans arrière-pensée en France-), alors démontrons nous-mêmes notre unité ; faisons l’unité des Citoyens, autour des Valeurs de la République et de la Démocratie, de l’Humanisme, quelles que soient nos opinions par ailleurs. La France est grande quand elle se rassemble.
En hommage aux victimes des attentats terroristes des 7, 8 et 9 janvier 2015, en soutien à leurs familles, je vous demande de respecter une minute de silence en mémoire, par ordre alphabétique, de :
Frédéric Boisseau, employé chargé du nettoyage,
Franck Brinsolaro, officier du service de la protection personnelle des personnalités,
Jean Cabut (dit Cabu), caricaturiste, dessinateur de presse et auteur de bande dessinée,
Elsa Cayat, psychiatre, psychanalyste et chroniqueuse,
Stéphane Charbonnier (dit Charb), dessinateur satirique, journaliste, directeur de journal,
Philippe Honoré (dit Honoré), dessinateur de presse et illustrateur,
Bernard Maris, économiste, écrivain et journaliste,
Ahmed Merabet, gardien de la paix du commissariat du 11e arrondissement de Paris,- Mustapha Ourad, journaliste et correcteur,
Michel Renaud (fondateur du festival Rendez-vous du carnet de voyage), en simple visite sur les lieux,
Bernard Verlhac (dit Tignous), caricaturiste et dessinateur de presse,
Georges Wolinski, dessinateur de presse.
Morts debout, assassinés par les tueurs Saïd et Chérif Kouachi.
J’y associe bien sûr :
Clarissa Jean-Philippe, jeune policière municipale stagiaire, assassinée dans le dos jeudi par le tueur lâche Amedi Coulibaly.
Et les 4 autres otages assassinés hier par ce même fanatique repris de Justice, et dont l’identité n’est pas connue à cette heure*.
Hommage aussi aux blessés fauchés par les balles.
Pendant cette minute de silence, pensez à la dernière minute que, eux, ont vécue.
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* Leur identité a été connue le 10/01 au soir : Philippe Braham ; Yohan Cohen ; Yoav Hattab ; François-Michel Saada.