Des gradins s'effondrent... mais c'est un exercice
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Gendarmes, pompiers et infirmiers ont été mobilisés, hier soir mercredi 9 octobre, pour un grand exercice de sécurité civile à Sainte-Suzanne. Il s'agissait d'évaluer l'efficacité des secours à partir du scénario d'un accident.

Quatre personnes sont décédées dans l'effondrement d'une tribune, hier soir vers 18 h, à Sainte-Suzanne. Huit autres ont été blessées. Elles assistaient à un spectacle musical dans l'enceinte du château. Quand un incendie s'est déclaré au niveau de la scène. Un mouvement de foule a suivi, provoquant la rupture de plusieurs éléments de cette tribune. Quatre minutes plus tard, les véhicules de pompiers de Sainte-Suzanne entrent les premiers dans la cour du château, toutes sirènes hurlantes.

Heureusement, tout cela est faux ! Il n'y a pas eu d'incendie hier soir dans le château de Sainte-Suzanne, ni d'effondrement de tribune. Ni de mort, ni de blessé. Par contre, il y avait bien des gendarmes, des pompiers et des secouristes en nombre. Il s'agissait d'un exercice grandeur nature, appelé exercice de sécurité civile et piloté par la préfecture de la Mayenne. Afin de mesurer, en conditions réelles, les capacités de mobilisation et de coordination  des différents services de secours.

Des bénévoles devenus de grands blessés

Dès 16h, les 60 bénévoles de Sainte-Suzanne et des communes alentour ont reçu les consignes pour remplir leur rôle; certains ont été "maquillés" de manière très réaliste par la Croix-Rouge, (fausses blessures sanguinolentes, pantalon ou tee-shirts déchirés...) d'autres sont "touchés psychologiquement", certains sont (vraiment) anglais, espagnols ou russes, sourds-muets ou aveugles, d'autres enfin sont "impliqués" et cherchent par tous les moyens à entrer dans le périmètre de sécurité (y compris en essayant de forcer ou de contourner les barrages de gendarmerie : certains y parviendront, d'autres pas) : chacun  a reçu une fiche avec une identité provisoire et un rôle à jouer. 

A 18h précises, trois adolescents désignés, témoins du "concert" dans la cour du château, appellent (vraiment) le 18, et le PC du SDIS de Laval relaie l'appel. "Plusieurs centaines de blessés plus ou moins atteints, dont 30 sérieusement, et dont une personnalité gravement atteinte" (rôle joué par Jean-Yves Dufour) indique le premier communiqué. A 18h04, Christophe Blu sera le premier à entrer, avec son véhicule de Chef de centre, dans la cour du château. Des blessés gisent près de la scène, sous les tribunes détruites, ou sont choqués. Quatre mannequins en carton figurent les "décédés". Les pompiers s'affairent déjà, parfois gênés par les spectateurs du "concert" qui ont envahi le site.

Un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) est le deuxième à entrer dans les lieux. Il vient de Sainte-Suzanne, le centre de secours le plus proche, bientôt suivi par ceux d'Évron, Meslay, Laval... Des pompiers  patientent à côté. « On attend le camion-citerne. Je ne sais pas ce qu'ils font », sourit un pompier. Premier accroc dans l'organisation ? Non, le camion-citerne est bien là, mais rue Fouquet de la Varenne près de la borne à incendie, et déroule déjà ses tuyaux jusqu'à la Porte de fer. La Préfecture a déclenché le "plan Rouge" sous les ordres de la sous-préfète de Château-Gontier. Ensuite, le SMUR de Château-Gontier arrive (pas moins de 20 médecins viendront de différents SMUR) , en même temps que les gendarmes qui sécurisent les lieux et identifient les "blessés", et ont déjà bloqué les accès à Sainte-Suzanne et dévié la circulation de toutes les routes qui y mènent. Impossible pour les journalistes de passer sans montrer patte blanche. Certains sont de vrais journalistes, d'autres sont là pour perturber et tester l'organisation. Impossible d'entrer dans le périmètre de sécurité sans présenter une pièce d'identité prouvant qu'on est riverain.

Le maire est prévenu par un appel du SDIS à 18h39, se rend sur place et se met à la disposition des secours; il déclenche aussitôt le plan de secours opérationnel communal et réquisitionne des élus et le personnel municipal (adjoint au maire, agent technique qui aménage les salles et bascule l'éclairage public en marche forcée..., secrétaires...), fait ouvrir les salles du 1er étage de la mairie qui deviennent PC Opérationnel dès l'arrivée du Chef de cabinet du Préfet, Jean-Michel Radenac, qui en prend le commandement. Mise à disposition des locaux, des lignes téléphoniques et internet, puis au fur et à mesure mise à disposition de la salle du Conseil pour la "cellule psychologique" auprès des familles et des personnes choquées; de la salle Maxime-Létard pour la Croix Rouge et le regroupement des impliqués ; du terrain de football pour l'hélicoptère éventuel; du parking des Charrières pour le Poste Médical Avancé; de la salle paroissiale pour la morgue fictive; de la salle Fernand-Bourdin pour le débriefing et le regroupement final des différents services.

À 18 h 30, sous les tribunes, des acteurs improvisés lancent des appels aux secours. Sans grande conviction. « Ils n'ont pas eu le temps de travailler leur jeu », s'amuse un témoin. Car des bénévoles participent à l'opération. Un peu de maquillage et les voilà transformés en grands blessés. Mais le temps presse et, blessés fictifs ou pas, ils n'ont pas reçu de soins. Un pompier modère notre impatience. « Il faut d'abord sécuriser les lieux. Car un sauveteur mort ne sauve plus personne. »

Les médecins et les infirmiers des différents SMUR arrivent. Patrice Chambonnet, pompier à Meslay-du-Maine se glisse sous les tribunes. Il prend son rôle au sérieux, regarde les blessures de chacun. « Votre jambe est touchée, mais pouvez-vous bouger le pied ? », demande-t-il à une femme qui est au sol. Plus loin, Isabelle Bourny, pompier à Évron, échange quelques mots d'anglais avec une adolescente étrangère (et réellement russe) blessée à la jambe. Il faut s'adapter. C'est la loi de l'exercice.

Une dizaine d'observateurs

Le comportement de chacun est étudié de près par une dizaine d'observateurs. « Ensuite, on remontera nos observations à la préfecture », glisse Pascal Huon, colonel réserviste de la délégation militaire départementale.

Les gros moyens arrivent, avec des motards de la gendarmerie, les antennes mobiles de la Croix-Rouge, les véhicules de l'investigation criminelle, etc...  Pendant ce temps-là, les médecins et les infirmiers du service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) de Laval et de Mayenne attendent la mise en place, place des Charrières, du Poste médical avancé (groupe électrogène, camion dédié, plusieurs structures de tentes gonflables, etc...) « Les blessés sont toujours sur le site»  : Il est 18 h 45. « J'attends la désignation du poste médical pour soigner les blessés », explique le docteur Rohée. Ce sera la place des Charrières, après abandon de l'hypothèse un instant envisagée de la Place Hubert II, trop exiguë. Le capitaine Manson, de Laval, prend le commandement des opérations. Le Colonel commandant la gendarmerie de la Mayenne est arrivé avec un PC de commandement et une antenne déployés place Hubert II.

La place Ambroise de Loré est quant à elle entièrement occupée par le PC du SDIS, et tous les véhicules qui ne peuvent encore accéder au site (des véhicules jusqu'au bas de la route d'Évron attendent, dont ceux de la Croix-Rouge), les ambulances privées sont fictivement réquisitionnées, mais l'exercice n'ira pas jusqu'à les faire se déplacer : 100 pompiers, 20 médecins, 50 secouristes sont déjà là... Le colonel Morin, directeur du SDIS,  prend la responsabilité de la coordination de tous les centres de secours des pompiers présents. Chacun des organismes a son PC mais tous se retrouvent régulièrement à la mairie pour la coordination locale, et avec Laval où une cellule de crise et un N° vert pour les familles ont été activées à la Préfecture. M. Philippe Vignes Préfet de la Mayenne est arrivé et s'assure sur chaque site du bon fonctionnement de l'exercice, accompagné du maire et des commandants de gendarmerie et des pompiers. Ce sont ces coordinations-là qui sont avant tout testées.

Pendant ce temps, les "impliqués" sont regroupés dans le donjon (dure attente, de plus de 2 heures !), puis dans la bergerie ; les "blessés" (certains "légèrement atteints" attendront aussi 2 heures couchés sur l'herbe, dans une couverture de survie; -le froid gagne plusieurs d'entre eux), puis les blessés évacués vers le PMA par une noria de VSAV et d'ambulances qui doivent s'organiser pour constituer des "trains" dans un sens puis dans l'autre, car il leur est impossible de se croiser dans la rue Fouquet de la Varenne.

A 22 heures, l'exercice est déclaré terminé mais les faux "blessés" n'arriveront du PMA qu'un par un, jusqu'à 22h30. Salle Maxime-Létard, à côté du PC de la Croix-rouge, des cafés sont servis aux bénévoles ; M. le Préfet vient saluer et remercier chacun pour sa participation à cet exercice citoyen. Ensuite, un copieux casse-croûte offert par la Mairie et préparé par Jean-Michel Harnois, est le bienvenu pour réconforter les 60 bénévoles, qui sont là depuis plus de 6 heures d'affilée. Nombre de secouristes, pompiers et gendarmes viendront les rejoindre puis seront regroupés salle Fernand-Bourdin pour un debriefing "à chaud" avant clôture finale de l'exercice vers 23h30.

Merci à tous ceux qui, de Sainte-Suzanne et des communes alentour,  ont participé à cet exercice assez éprouvant mais très riche d'enseignements pour la sécurité civile...